http://www.myspace.com/tikenjah
Origine du Groupe : Cote D'Ivoire , France
Style : Reggae , World Music
Sortie : 2010
Le nouvel album du chanteur de reggae ivoirien, Tiken Jah Fakoly, "African Revolution" (Barclay, septembre 2010), est le fruit d'une prise de risque totale, principalement dans sa direction
artistique qui mêle reggae et lyrisme mandingue.
L'artiste avait, depuis son premier album "Mangercratie" (1996), habitué son public à de régulières prises de risques, réussissant à imposer, à la place de discours souvent sophistiqués, le
langage des trottoirs d'Abidjan.
Le risque était aussi politique : en se faisant l'agace-tyran qui assène ses vérités aux élites gouvernantes en Afrique, il s'est forgé la stature de porte-parole écouté d'une jeunesse africaine
en mal de repères.
"African Revolution" (sorti le 20 septembre à Bamako et lundi dernier en Europe) est à la fois carrément inattendu, déroutant à bien des égards, et surtout fort excitant à l'écoute parce
qu'émouvant et empreint de créativité et impeccablement produit.
L'album est ce que son titre clame : révolutionnaire dans sa conception et son élaboration. En lieu et place des "riddim" - à la manière des Jamaïcains -, Tiken Jah Fakoly a réalisé ses maquettes
sur la guitare acoustique de Thomas Naïm. Il passe ensuite au mythique studio de Bob Marley, Tuff Gong, pour poser les rythmiques avec trois pointures reconnues de la scène : Glen Browne (basse),
Marc Dawson (batterie) et Mickey Chung (guitare).
C'est enfin à Bamako, dans son studio, que Tiken Jah Fakoly a concocté ce nouveau produit bien installé à la frontière du reggae, surtout dans le ton et les textes, et d'une musique classique
mandingue au lyrisme puissant.
Cinq ans d'exil au Mali lui ont permis de pénétrer l'âme des sonorités du ngoni, de la kora, du soukou (violon africain à une corde), du tamani et du balafon, qu'il magnifie et restitue, avec la
complicité d'une nouvelle génération de griots de la scène bamakoise, d'une façon originale à l'oreille du mélomane.
De cette rencontre presqu'improbable mais fort heureuse, les producteurs du disque, Jonathan Quarmby et Kevin Bacon, ont tiré de somptueux arrangements et des mix il est vrai très éloigné du son
jamaïcain. Il y a moins de choeurs féminins, pas de cuivre. A la place, on apprécie des accords riches, des chansons basées sur des échanges entre les guitares et la voix de Tiken. Loin donc du
"one drop" bien connu.
Tiken Jah Fakoly a écrit la plupart des chansons de l'album "African Revolution". Sur les "Il faut se Lever", "L'Afrique attend", il se fait assister de son ami Magyd Cherfi de Zebda.
"Je ne veux pas ton pouvoir" est un texte de Jeanne Cherhal, "Laisse-moi m'exprimer" de Mr Toma, tandis que Féfé signe le texte et la musique du morceau "Je dis non". Sur "Political War" apparaît
le seul featuring de l'opus, celui de la Nigériane Asa.
Dans l'intention et la thématique aussi, l'album est africain au sens où Tiken Jah Fakoly aborde le sujet continental de manière personnelle, sensible et intime.
Il dénonce, dans "Je dis non", les "chefs africains dans l'échec", tout en exprimant ses doutes sur la portée des mots d'un artiste : "Ceci n'est qu'une chanson, ça ne changera pas nos vies.../Je
chante pour ne pas accepter". D'où l'appel à se mettre en ordre de bataille ("Il faut se lever") pour "changer tout ça" et libérer "un continent pris en otage" et "qui se demande pourquoi il ne
peut pas sortir de sa cage".
"Pourquoi faut-il toujours qu'on parte alors que l'Eldorado est là ?/On veut voler de nos propres ailes/C'était le rêve de nos aïeuls/Elle n'est pas si loin l'étincelle/Il suffit qu'on ouvre les
yeux/Il faut se lever, lever, lever, pour changer tout ça/On doit se lever, lever, lever pour changer tout ça/", lance l'artiste.
Cela devrait aboutir à l"'African Revolution", un processus qui passe par l'éducation de la jeunesse. C'est là le point de départ d'une "révolution intelligente" partant d'une connaissance des
problèmes du continent pour y apporter des solutions.
Et puis, il y a "Marley Foly", un beau titre qui, au-delà de l'hommage à celui qui a fait du reggae un rythme planétaire, est surtout une façon, pour l'artiste, de rendre grâce à Dieu et...à Bob
Marley de lui avoir permis de saisir sa chance et de se faire un nom dans le milieu.
Ce Tiken-là c'est aussi l'homme qui ne compte pas sur les "montagnes d'argent" du dirigeant africain, "déjà vieux", au "regard désolant" et courant après le temps. Il dit à ce dirigeant : "Je ne
veux pas ton pouvoir, pas besoin de l'avoir/Je ne suis pas ton miroir, mais ton cauchemar/Je ne veux pas de ta gloire, je dis l'espoir/Je ne veux pas ton espoir, voilà mon histoire".
Sur "Votez", l'artiste s'adresse aux marchands d'illusions que les populations voient au moment où on sollicite leurs votes, mais qui disparaissent après les élections. Une invite claire aux
populations à ne plus accepter les pièces de 500 francs et autres billets de 1000 francs pour accorder leur confiance à des politiciens.
"L'Afrique attend", véritable pamphlet contre ces hommes politiques qui se prennent pour des sauveurs, est un appel à l'émergence d'une élite patriote et d'une conscience citoyenne : "L'Afrique
attend, l'Afrique attend que ses enfants se réveillent/Car ça dort, ça dort, ça ne bouge pas/L'Afrique attend, l'Afrique attend, que les choses ne soient plus pareilles/Si ça dort, ça dort, rien
ne bougera".
African Revolution transcende les genres, projetant un son nouveau, est le symbole d'une Afrique ancrée dans une tradition artistique et résolument tournée vers l'avenir. Il s'impose comme un
jalon, une bouffée d'air pour l'artiste et, au-delà, pour la scène reggae. Il peut aussi s'offrir en exemple aux jeunes en quête de nouvelles pistes artistiques.
par Aboubacar Demba Cissokho
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Tracklist :
01. African Revolution
02. Je dis non!
03. Political War
04. Marley Foly
05. Il faut se lever
06. Sinimory
07. Vieux père
08. Sors de ma télé
09. Votez
10. Je ne veux pas ton pouvoir
11. Initié
12. Laisse-moi m'exprimer
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